Karine TOTINO nous offre sa gĂ©nĂ©rositĂ© en partageant son combat contre le cancer du sein. Un Ă©change inspirant et porteur dâespoir, qui nous rappelle lâimportance du dĂ©pistage et du soutien, tout en mettant en lumiĂšre la force intĂ©rieure nĂ©cessaire pour traverser une telle Ă©preuve đ
Pouvez-vous vous prĂ©senter, vous et votre rĂŽle au sein dâEuclĂ©a Business School ? đ
Je suis Karine TOTINO, jâai 39 ans, mariĂ©e, maman dâune petite fille et je suis conseillĂšre Formation sur le campus de Metz. Dans le cadre de mes missions, je suis les Ă©tudiants depuis leur candidature dans notre Ă©cole jusquâĂ la fin de leur formation et leur insertion sur le marchĂ© de lâemploi. Je les accompagne dans leurs projets professionnels et suis le lien entre les entreprises et lâĂ©cole.
Pouvez-vous nous raconter votre histoire et comment avez-vous dĂ©tectĂ© les premiers signes ? đš
Je me suis assez tĂŽt renseignĂ©e sur lâautopalpation et le cancer du sein. Il y a quelques annĂ©es, il nây avait pas autant de communication autour de cette maladie. TrĂšs vite, arrivĂ© 20 ans, câest devenu un rituel que je pratiquais mensuellement. AprĂšs 14 ans dâauto-examen Ă hauteur de 12 fois environ par an. Il a fallu un mois de mars 2020, Ă 34 ans, que je dĂ©couvre en me palpant une masse de la taille dâune balle de ping pong au creux de mon aisselle avec un gros ganglion prĂšs du sein.
Comment avez-vous rĂ©agi en apprenant votre diagnostic ? Quels ont Ă©tĂ© vos premiers sentiments ? đ
Tout sâest enchaĂźnĂ© trĂšs vite puisque nous Ă©tions en plein confinement. Un premier rendez-vous avec le mĂ©decin difficile Ă obtenir Ă cause du barrage secrĂ©taire durant la Covid. Ensuite, sur une mĂȘme aprĂšs-midi, une mammographie, une Ă©chographie et une biopsie. J’ai Ă©tĂ© convoquĂ© pour les rĂ©sultats aprĂšs 10 jours d’attente. JâĂ©tais plutĂŽt sereine, le mot « cancer » ne mâa Ă aucun moment traversĂ© lâesprit.
Ă peine assise dans une salle avec un petit bureau et une petite musique de fond, le mĂ©decin m’a annoncĂ© en moins dâune minute que jâavais un cancer du sein, quâil Ă©tait Ă un stade trĂšs avancĂ© et quâil fallait que je sois prise en charge immĂ©diatement. Jâai dâabord Ă©clatĂ© en sanglots, seule dans ce petit bureau vide. Des larmes parce que lâon mâinformait une mauvaise nouvelle, mais non pas par rapport Ă la maladie, car je nâavais pas idĂ©e de tout ce que cela impliquait Ă ce moment-lĂ . Pas dâantĂ©cĂ©dents dans la famille, un mode de vie sain, pas de prĂ©disposition gĂ©nĂ©tique, câĂ©tait la faute Ă pas de chance !
Nous imaginons Ă quel point le chemin du traitement a Ă©tĂ© long. Pouvez-vous nous parler des diffĂ©rentes Ă©tapes de votre traitement et la maniĂšre dont vous les avez apprĂ©hendĂ©es ? â°
Il faut savoir quâil existe non pas un mais plusieurs types de cancers du sein.
Le mien est le cancer du sein Triple NĂ©gatif ce qui signifie quâaucun des 3 capteurs hormonaux ne sont prĂ©sents sur les cellules cancĂ©reuses. Les thĂ©rapies ciblant habituellement ces capteurs restent donc inefficaces. Câest un cancer rare, qui reprĂ©sente 15% des cancers du sein et qui touche essentiellement les jeunes femmes de moins de 40 ans. Il nâexiste malheureusement pas de traitement ciblĂ© Ă ce jour et le taux de rĂ©cidive est fort les premiĂšres annĂ©es. MalgrĂ© un auto-examen tous les mois, jâĂ©tais dĂ©jĂ en stade 3 avec une tumeur trĂšs mal situĂ©e et qui pouvait Ă tout moment se transformer en cancer mĂ©tastatique, dâoĂč lâurgence de la prise en charge.
Mon rendez-vous gynĂ©cologique sâest trĂšs mal passĂ© car jâĂ©tais dans un Ă©tat de flou total et je ne me suis pas sentie accompagnĂ©e par le professionnel de santĂ© que jâai rencontrĂ©. Sans mâexpliquer ce que jâavais, un calendrier de traitement mâa Ă©tĂ© remis ainsi quâune date dâintervention. J’ai prĂ©fĂ©rĂ© demander un second avis Ă lâInstitut de CancĂ©rologie de Lorraine et je pense que câĂ©tait lâune des meilleures dĂ©cisions que jâai pu prendre. AprĂšs une semaine trĂšs intense avec des allers-retours quotidiens entre Metz et Nancy pour faire une batterie dâexamens, j’ai rencontrĂ© mon chirurgien et mon oncologue : 2 femmes merveilleuses qui ont pris le temps de mâexpliquer ce que jâavais et ce que cela impliquait. Ce nâest quâĂ ce rendez-vous que jâai rĂ©alisĂ© que jâavais un cancer, quâil Ă©tait Ă un stade avancĂ© et que je pouvais en mourir.
Le protocole Ă©tait sous 3 Ă©tapes : la chimiothĂ©rapie durant 4 mois, la chirurgie puis la radiothĂ©rapie Ă hauteur de 5 jours/semaine durant 2 mois. Une Ă©tape importante durant mon traitement Ă©tait lâacceptation de la perte des cheveux, qui allait apparaĂźtre aprĂšs la 2Ăšme chimio. Les premiers poils sont tombĂ©s le lendemain de la premiĂšre chimio. La douleur sur le cuir chevelu Ă©tait horrible, jâai donc fini par prendre un peigne et tout enlever. Ătonnamment, malgrĂ© les questionnements sur mon identitĂ© future, je me suis sentie comme « libĂ©rĂ©e » : malgrĂ© lâabsence de cheveux, je restais la mĂȘme personne. Câest une Ă©tape que chacune vit diffĂ©remment. Pour moi, ce fĂ»t une libĂ©ration. Un sentiment de dĂ©livrance, mĂȘme si je nâĂ©tais quâau tout dĂ©but du protocole.
Les sĂ©ances de chimios ont provoquĂ©es de sĂ©vĂšres effets secondaires ainsi qu’une baisse de mon immunitĂ©. C’est pourquoi il a fallu mettre fin Ă mon traitement prĂ©cocement. Ă la veille de mes 35 ans, on mâopĂšre pour mâenlever ce quâil reste de la tumeur. JâenchaĂźne ensuite avec la radiothĂ©rapie, 5 fois par semaine pendant 2 mois pour dĂ©truire les derniĂšres cellules cancĂ©reuses. Cette derniĂšre Ă©tape nâest pas douloureuse physiquement, mais elle fut extrĂȘmement difficile sur le plan psychologique, car je voyais tous les jours mon sein se dĂ©grader. Je comptais les jours jusquâĂ la toute derniĂšre sĂ©ance oĂč jâai Ă©clatĂ© en sanglots parce que tout Ă©tait maintenant derriĂšre moi.
Aujourd’hui, je suis toujours suivie rĂ©guliĂšrement par diffĂ©rents mĂ©decins : oncologue, chirurgien, gynĂ©cologue, sage-femme, radiothĂ©rapeute…
On dit souvent que le soutien de lâentourage est essentiel. Comment vos proches (famille, amis, collĂšguesâŠ) ont-ils pu vous accompagner dans cette Ă©preuve ? đ©·
Jâai vĂ©cu tout ce combat dans un contexte particulier. Nous venions dâĂȘtre confinĂ©s, de ce fait mon entourage proche se limitait Ă mon mari et ma petite fille de 20 mois.
Annoncer le cancer Ă la famille et les amis Ă©tait donc compliquĂ©, car je devais faire cela par visio. Annoncer une aussi mauvaise nouvelle Ă distance, en essayant de mettre les formes, mais surtout en nâayant pas la possibilitĂ© de prendre la personne dans ses bras pour la rassurer, la consoler, Ă©tait autant une torture pour elle que pour moi. Ne sachant pas dans quel « Ă©tat physique et mental », jâallais ĂȘtre, il mâest apparu important de les informer avant le dĂ©but du traitement. Mes amis et ma famille mâont donnĂ© de la force, du soutien grĂące Ă leurs messages et appels bienveillants. Le sujet nâĂ©tait pas tabou, il Ă©tait important dâen parler.
En tant que femme active, comment avez-vous rĂ©ussi Ă concilier votre vie professionnelle avec les diffĂ©rents traitements ? đĄ
Jâoccupais Ă cette Ă©poque le poste de Commerciale. MalgrĂ© le confinement, je pouvais toujours exercer en tĂ©lĂ©travail. Jâai prĂ©fĂ©rĂ© prĂ©venir mon employeur de ma maladie et jâai pris la dĂ©cision de ne pas me mettre en arrĂȘt. Je ne voulais pas que le cancer orchestre mon quotidien. Je voulais ĂȘtre active et que ma fille voit sa maman travailler, bouger et ne pas ĂȘtre au fond de son lit.
Combattre une telle maladie demande une grande force mentale. Quelles ressources vous ont aidĂ©e Ă rester positive et Ă garder espoir tout au long du processus ? đȘ
Je n’avais qu’un seul moteur, ma famille ! Il fallait que je survive pour moi mais aussi pour eux. Ma fille nâavait mĂȘme pas 2 ans, il Ă©tait inconcevable quâelle grandisse sans sa maman. On se dĂ©couvre dans la maladie. Je ne pensais pas ĂȘtre aussi forte et dĂ©tenir cet esprit de guerriĂšre. Mon Ă©tat dâesprit Ă©tait binaire, soit jâavais une vĂ©ritable force mentale ou soit jâĂ©tais au fond du trou⊠Mais cela arrivait moins souvent. Ma famille Ă©tait ma plus grande force.
Quel est le message que vous aimeriez transmettre aux femmes (et aux hommes) sur lâimportance du dĂ©pistage ? đž
Plus un cancer est dĂ©tectĂ© tĂŽt, mieux il sera soignĂ©. Sâobserver rĂ©guliĂšrement permet de dĂ©tecter les anomalies Ă un stade prĂ©coce et ainsi Ă©viter les effets liĂ©s aux traitements. Il ne faut pas hĂ©siter Ă aller consulter au moindre doute. Vous ne dĂ©rangerez jamais un mĂ©decin, bien au contraire.
Quel est le message que vous aimeriez transmettre Ă celles et ceux qui traversent actuellement une Ă©preuve similaire ? đŹ
Le chemin est difficile jusquâĂ la guĂ©rison. Les Ă©tapes Ă franchir peuvent paraĂźtre insurmontables et il peut ĂȘtre difficile dây voir le bout. Parler fait partie du processus de guĂ©rison. Nous ne contrĂŽlons pas notre corps, il faut donc gĂ©rer au mieux le mental. Jâai consultĂ© des psychologues mis Ă disposition par lâInstitut pour m’aider Ă franchir les diffĂ©rentes Ă©tapes de mon parcours. Au-delĂ des professionnels de santĂ©, il est aussi important de sâentourer de personnes solides, bienveillantes et Ă lâĂ©coute.
Quâest-ce qui vous motive aujourdâhui, aprĂšs avoir surmontĂ© cette Ă©preuve ? Votre combat a-t-il modifiĂ© votre vision et votre philosophie de vie ? đ
Je relativise encore plus quâavant. Jâai appris Ă me connaĂźtre et Ă me dĂ©couvrir Ă travers cette Ă©preuve. Je mâĂ©coute plus et je sais que jâai une force en moi qui me permet de faire face Ă tous types de situation. Aujourdâhui lorsquâon me demande ce que je souhaite pour plus tard, je rĂ©ponds systĂ©matiquement : que ma famille et moi soyons en bonne santĂ©. La vie peut-ĂȘtre fragile mais elle est tellement prĂ©cieuse. Il faut vivre chaque instant.
Un grand merci Karine de nous avoir partagĂ© son histoire avec sincĂ©ritĂ© et gĂ©nĂ©rositĂ©. Son parcours est un vĂ©ritable tĂ©moignage de rĂ©silience et de force face Ă lâadversitĂ©. Nous tenons Ă exprimer toute notre gratitude car sa parole contribue Ă sensibiliser chacun dâentre nous Ă lâimportance de la prĂ©vention, du soutien, et de lâespoir dans la lutte contre le cancer du sein đïž
EuclĂ©a Business School sâengage en faveur de la santĂ© et de la prĂ©vention de cette maladie Ă travers diverses actions đž
đ©·Nos euclĂ©siens, accompagnĂ©s de nos Ă©quipes, ont fiĂšrement portĂ© le t-shirt rose le temps dâune course de 5 km, rĂ©unissant plus de 12 600 personnes soutenant cette cause importante Ă nos yeux. En tant quâĂ©cole dĂ©diĂ©e Ă lâĂ©ducation et Ă la formation de futures gĂ©nĂ©rations de leaders, câĂ©tait une occasion unique pour se rassembler en tant que communautĂ© et faire entendre notre voix !
đ©·Du cĂŽtĂ© de Metz, nos alternants ont eu la chance d’accueillir la Ligue contre le cancer du sein. Un moment enrichissant pour chacun, grĂące Ă un atelier dâautopalpation sur des modĂšles en plastique. Les Ă©changes ont permis de mieux comprendre les gestes Ă effectuer, les rĂ©flexes Ă adopter et les actions Ă rĂ©aliser pour dĂ©tecter au plus tĂŽt la maladie.
đ©·Enfin, la soirĂ©e de sĂ©jour d’intĂ©gration a fiĂšrement portĂ© le thĂšme rose. Le but ? Montrer notre soutien et notre engagement pour rappeler lâimportance des actions collectives. Un moment idĂ©al pour crĂ©er un lien de solidaritĂ© pour transmettre nos valeurs humaines tout en renforçant lâesprit de communautĂ© au sein dâEuclĂ©a Business School. Merci Ă tous nos EuclĂ©siens d’avoir jouĂ© le jeu !